Question de temps...
J'ai repris ce matin le chemin de l'hôpital pour une longue journée ,
mon collègue étant parti voir sa famille en Syrie, je suis donc à plein temps
pour 15 jours .J'ai retrouvé une patiente avec laquelle j'avais eu un entretien
émouvant avant mon départ et qui est restée très présente dans mon esprit malgré
la coupure estivale . Cette femme intelligente et fine , agée de 80ans mais débordante de vitalité et traitée pour un cancer du sein
poly métastatique m'avait demandé avec douceur et simplicité si sa chimiothérapie pourrait la guérir ?
Terrible question , celle que l'on redoute et à laquelle on ne peut se dérober. Je sens encore son regard interrogateur plongeant dans le mien .Je ne sais alors ni mentir ni me dérober . Je me suis assise et nous avons parlé de femme à femme , de mortelle à mortelle.
C'est un moment où le temps se cristallise , le verni social se craquelle , il faut livrer une vérité avec laquelle , on n'a pas envie d'agresser son patient et que lui n'a pas envie d'entendre...Expliquer que la maladie a progressé , que la guérison est improbable mais que nul ne détient la vérité , nul ne connait son heure , ni elle ni moi d'ailleurs...Face à cette peur intime de la mort que nous partageons , il nous faut créer matière à tisser de l'espoir .
Ses joues se sont empourprées, ses yeux remplis de larmes , elle m'a souri me disant qu'elle avait eu une bien belle vie mais que , cependant ,'un sursit de 10 à 20 ans ne serait pas pour lui déplaire !
Ce mélange insolite d'humour et de dignité a suscité chez moi une cascade d'émotions.
Je n'ai pas peur de mes émotions, j'ai appris à les accueillir, les identifier , les apprivoiser patiemment . Elles m'enrichissent , nourrissent ma sensibilité, mon empathie.